Ce qui reste.


J'ai inscrit en gros sur la porte du placard qui servait d'ardoise "Bienvenue J.... D.... et E...."! et nous sommes partis leur confier les clés. La maison raisonnait de tant de vide. Briquée comme un sou neuf. 

Je m'attendais à un pincement, un contre coup. Mais rien ! C'était bien une page à tourner. Et puis le camion. Pardon, le camping car, j'ai nommé notre bien aimé : Mastok !!!
Durant les deux premières semaines, nous avons eu de la pluie, tous les jours. Ou presque. Je repensait, souriante, à mon amie qui m'avait posé cette question bien senti :" et les jours de pluie ? Tu fais comment à 5 dans ta boite de sardine ?". 

Pareil ! On fait pareil que dans une maison. Mais en plus petit. C'était un peu le baptême du feu.  Enfin, non, pardon, le baptême du feu est arrivé après les deux semaines de pluie. Un petit été caniculaire pour préparer l'aventure. Nous l'avons fait. Et c'était bien.

Impossible de partir alors. Toutes les portes que j'avais poussé quelques mois plus tôt pour mon travail se sont soudain ouvertes, béantes, offertes. C'était le moment et c'est tout. Le temps suivra son court quoi qu'il arrive. Nous partirons après, après l'été, après la saison, après les marchés qui grouillent et qui chantent. 

C'était une période test. Savoir combien de temps nos réserves peuvent tenir. L'eau, l’électricité, les WC. 

Puis le chat. Impossible de laisser le chat. Alors soupirer de soulagement à chaque fois qu'elle pointait son museau au petit matin pour venir grappiller un bol de croquettes et s'affaler sur les coussins moelleux pour une sieste, probablement proportionnelle à son activité nocturne supposée. 

Le ballet du quotidien s'est vite chorégraphié. L'eau OK. Le jus OK. Le gaz OK. Les WC OK. Le chat OK. Les enfants, on en parle même pas. Dehors à peine tombés du lit. Il vivent comme on habite une cabane. Dehors, nous tendons les hamacs et mangeons sur des nattes, assis sur des coussins, sur des tables rikiki. En une heure, nous pouvons disparaitre et laisser place nette. Tout plier, tout ranger, et rouler. 

D'avoir fait ce si grand tri, je me sent incapable de revenir en arrière. Le nécessaire est là. Les objets que je conservent ont étés pensés, réfléchis, pesés. Quand je remet les pieds dans une maison, je suis assaillie par tout ce qu'on y met d'inutile. Puis les murs, les plafonds. 

La canicule nous à offert nos plus belles nuits à la belle étoile. La fraîcheur vient plus vite quand on confie son sommeil au vent. A vivre sans cesse dehors, le corps s'adapte mieux semble t'il. Mois qui souffrait, il y a quelques années, de ces heures estivales où la chaleur écrase tout, où le sol dégueule de chaleur et où la peau brûle au moindre rayon. J'ai pesté contre ce stupide Sud, moi la bretonne déracinée. Et me voilà en place publique, sous la cagnard, en plein marché, et sans parasol ma bonne dame (économie de place oblige !). 

Ça aussi je l'ai fait. Mon canotier vissé sur le crâne et mes robes en lin comme un rempart.

Il y a quelques jours, l'ambiance de rentrée me poussait au bilan. Là, le constat délicieux. "Mais tu es heureuse ma fille", voilà ce que je me disais. Ce que je découvre, c'est que lorsque les fondations sont solides, les vents peuvent souffler, ils ébouriffent les cheveux, mais ne tournent pas les têtes. Bien sur il y a des moments de fatigue, d'impatience, des nostalgies nécessaires. Après ces deux fameuses semaines de pluie je me suis posée toutes les questions pénibles possibles. Ne suis-je pas une mère horrible, triant les jouets de mes enfants pour en faire valser les trois quarts ? Ne suis-je pas folle des les mettre dans cette grande valise à roulette pour un voyage au jour le jour ? Ne suis-je pas folle de m'imposer ça ? Ne suis-je pas folle tout court ? Seront-ils aussi heureux ici que dans une grosse maison bien solide ? L'amoureux m'a t'il suivi par amour justement ou fait-il vraiment parti du projet ? Va t'on réussir à barouder aussi facilement que nous le projetons? Est-ce que le chat va arrêter de miauler à la mort à chaque fois qu'on lance le moteur ? Et ce chien ??? Ce chien ne paraissait pas si gros dans une maison de 200m2.

J'ai fini par rire franchement de toutes ces questions. Elles sont toutes réelles, fondées, mais inutiles ici. Il n'y a qu'a entendre leur rire (animaux compris) pour comprendre que je ne me suis pas trompée en hissant ce rêve au rang de réalité.  Je ne détiens aucune vérité, ma manière de vivre n'est pas mieux qu'une autre, c'est juste celle qui semble nous convenir le mieux pour l'instant. 

Il y a deux mois, nous avons emménagés, mon mari, nos trois enfants, notre chat, notre chien, et moi, dans un camping car. Il y a une semaine, mes enfants ne sont pas rentrés à l'école et nous avons doucement repris le rythme de l'instruction en famille. Dans un peu plus de 15 jours, nous prendrons la route pour un mois et demi de voyage, en France dans un premier temps. Il n'y a plus aucun frein, la vie nous a retardés dans ce fameux départ, peut être simplement parce que les grands départs ne sont pas toujours ceux qu'on croit.

Seul les arbres nous disent que l'automne arrive...






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