Elle m’a dit,
simplement ; « Pourquoi tu ne viendrais pas poser ton
stand de bijoux au festival de Jazz vendredi soir ? »
Tiens, oui !
Pourquoi pas ? C’est vrai que c’est une bonne affaire un
festival de jazz, surtout en l’absence de toute concurrence. Et si
les bijoux ne plaisent pas, j’aurais toujours quelques notes à grappiller et
l’assurance d’une belle soirée de musique.
Alors j’ai gravi
la montagne par un flanc, pour gagner quelques degrés sur la
fraicheur et m’immerger dans ce lac que je connais depuis si
longtemps. Et après la salutaire baignade, j’ai sauté dans une
robe propre, chaussé mes jolis souliers et redescendu la montagne,
par le flanc inverse cette fois.
Et là, en passant
le panneau de ce village que j’ai déserté il y a plus de 15 ans, ce
n’est pas la petite madeleine de Proust qui m’a sauté au visage
mais le gros paquet familiale de Madeleine Saint Michel que je me
suis pris en pleine face.
L’odeur de la
maison de la voisine dont le fils était un pote fidèle que je
venais chercher quand ce n’était pas lui qui le faisait.
Le porche de
l’église sous lequel j’ai fumé mes premières clopes. Avec la
vue sur la montagne dorée par le soleil.
Le restaurant dans
lequel j’ai épluché des patates ou fait la plonge pour me faire
trois sous. Celui là même ou je venais trainer mes basques dès que
je pouvais et dans lequel on m’invitait toujours à manger. Mes
premiers émois au dessus d’une assiettée de cèpes ou de
profiteroles fraiches.
J’aimais y
regarder le balais des adultes affairés. J’avais besoin de ce
mouvement . Aujourd’hui j’aime toujours observer les gestes.
Le lavoir dans
lequel j’ai joué avec l’eau glacée. Et juste à coté, la
vielle pompe en fer sur la poignée de laquelle nous nous asseyions
pour s’en faire une balançoire. Le calvaire dans lequel nous
allions faire nos soirées en échappant au regards adultes. La
liberté de ces endroit où la nature élève un peu les enfants.
C’est gage de liberté. La fraîcheur qui monte du ruisseau en fin
de journée. Le chemin qui part vers le cimetière, ce chemin qui
mène au jardin que tenait ma mère.
Elle en revenait le
muscle saillant sous un débardeur léger, la peau noircie par le
soleil, avec son odeur de mère mêlée à celle de la terre
fraichement retournée. Une odeur chaude, presque animale.
Les montagnes, tout
autour, empêchant la vue. Et le soleil qui cours sur tout ça. Le
château dans la cours duquel j’allais causer avec la cantonnier.
Il fumait des Gitanes, le château était alors à l’abandon. Les
cabanes partout.
Et cette chaleur qui
me rappelle celle des étés passés ici. Alors l’odeur de ma
chambre, fenêtre ouverte sur cette rue unique. La lumière du soleil
sur la moquette beige. Les grasses matinées. Et au réveil, trouvant
la maison vide parfois, appeler ma mère à pleine voix depuis la
cours, derrière la maison, juste sous la montagne. Elle allait
bronzer en plein cagnard sur une vieille terrasse de culture laissée
à l’abandon depuis des décennies. A l’heure du repas c’était
à son tour de faire jouer l’écho. On entendait son cri «Les
enfants, à taaaaable ! » dans tout le village. On
arrivait en 5 minutess, même pas.
J’ai quitté ce
village à 15 ans, et j’ai commencé à quitter ma mère,
lentement. Je suis partie vivre sous les embruns paternels. Puis ma
mère à quitté elle aussi tout ça. Et je n’ai plus remis les
pieds la bas. Si, deux fois, j’y suis passée, sans vraiment m’y
arrêter, c’était trop lourd.
Et ce soir,
j’installe mon stand sur les parcours que je faisais enfant, dans
ce décors préservé où rodent des souvenirs bien vivaces. Et là,
sous les châtaigniers Lisa Simone chante, et je découvre que j’ai
fait le tour de quelque chose.
Je ne suis plus en
colère, je me sent grande soudain, adulte, vraiment. Je commence à
comprendre. Et j’écoute cette tristesse qui me chuchote qu’on ne
guéri jamais vraiment de sa mère, on apprend juste à pardonner.
Et quand les madeleines sont digérées, cet amour qui dépasse, qu'en fait-on ?
Et quand les madeleines sont digérées, cet amour qui dépasse, qu'en fait-on ?
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