Ca aussi ça passera.


Ils sont partis ce matin, laissant à leur suite une maison vide. Je n'ai pas cuisiné de la journée, ou si peu, en tout cas, à n'importe quelle heure. J'ai mangé debout dans la cuisine, dans le salon aussi, et même en montant les escaliers. J'ai laissé trainé des miettes sur la table, et joué l'aveugle pour tout ce qui trainait encore par terre.

J'ai mis de la musique, n'écoutant que mes envies, aucune chanson pour enfant. Puis j'ai tout éteint, et écouté le silence. Je n'ai pas parlé. Je n'ai répondu à aucune question. J'ai même fermé la porte à clé pour parer à toutes visites. Parce qu'ici, chez moi, c'est un peu comme dans un moulin, on frappe à la volée et on entre pour vérifier sans jamais vraiment attendre la réponse.

J'ai laissé passé des instants vides, j'ai regardé par la fenêtre le ciel se battre dans le vent. Je suis sortie, j'ai marché à mon pas, sans aucune pause forcée, les mains vides, dans le silence encore.

Seule ? Pas vraiment. Pas du tout en fait. Je t'avais toi, mon tout petit. Toi qui d'habitude est trimballé entre tes frères et sœurs, patient, toujours, curieux de tout, toujours, souriant et facile, toujours.
Toi, qui à profité du silence, puis des mots prononcés juste pour toi. Tu as profité du calme et de ces instants où je n'ai fait que te regarder. Toi qui déjà force comme un bougre pour parvenir à tenir ce ventre au dessus de ta ligne de flottaison.  Tu cherches ton quatre patte à grand renfort de pompes désordonnées. Ta tête plonge, parfois tu renverse complètement. Et toujours tu souris. Tu y arriveras. Déjà tu parviens à te hisser sur tes quatre appuis pour quelques secondes d'hilarité.

Tu as profité de ces instants où j'ai planté mon nez dans mes rêveries pour travailler tes "yayayayayayaya". Et soudain tu me rappel à toi, par un cri strident qui ressemble à un test pour trouver ton octave. Et tu ris.

Alors j'ai plongé mon nez dans ton cou à chaque fois que j'en ai eu l'occasion. Tu te cambre, et lance un petit éclat de rire qui part comme un grelot.
Je t'ai regardé, concentré comme jamais, le menton jonché de bave, mâchonner et attraper tout ce que tu peux découvrir depuis que je ne suis plus ton seul moyen de te saisir du monde. Car ces foutues dents que tu finiras en plus par perdre ne te laisse pas de répits. Mais tu sembles t'en moquer, ça passera.

Aujourd'hui, tu as eu la place de l'enfant unique que tu n'auras jamais vraiment. Aujourd'hui, j'ai pu savourer tous tes sourires, sans le poids du quotidien, sans le partage qu'oblige la fratrie.

Parce qu'ils sont partis, sur ma volonté, me laissant cette (presque) solitude que je ne connais plus depuis bientôt 6 ans. Mais, ça aussi sa passera. Et d'ici là, je garde chacun de tes sourires, toi qui ne pleure jamais, toi qui est si sage, toi qui sembles tout vivre avec la philosophie qui me fait parfois défaut.

Puis de m'octroyer le droit de ne rien faire d'autre que toi, j'ai fini, lentement, en douceur, par enclencher les choses. Ces choses qui noircissent mes listes mentales ou réelles et qui tournent sans arrêt dans ma tête. J'ai commencé ces choses que je ne sais pas par quel bout prendre, car le projet est tellement grand et les étapes pour y parvenir tellement nombreuse. Et quand ils sont là, le présent est tellement plein !

Me libérer quelques jours de vos mains, pour marcher vers ce projet dans lequel je n'aurais finalement plus que vos mains à tenir ! 



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