T'as de l'eau dans l'oreille non ?



 Il y a beaucoup de choses que j'aime observer chez les gens. Je parle ici des activités que peuvent avoir les humains qui m'entourent. 
Cette réflexion m'est venue d'instants partagés avec une amie. Au cours de ces moments, elle s'est concentrée tour à tour sur des mots fléchés, puis sur un puzzle... Et de là, s'est réactivé dans ma tête le plaisir de voir les gens plongés dans leur monde, dans leur activité, dans une activité. 

J'aime beaucoup voir les gens lire. Je ne les observe jamais longtemps pour ne pas troubler l'intimité de leur imaginaire, mais j'aime beaucoup les lecteurs. Même ceux des "livres faciles" qu'on croise sur les plages. A l'époque où j'empruntais régulièrement le train, j'adorais surprendre les gestes des autres usagés plongés dans leurs ouvrages respectifs. J'aime la posture initiale du lecteur. Mais aussi l'absence affichée de celui ou celle qui se perd dans l'ouvrage, oubliant tout ou presque au profit des mots. Je ne retrouve pas cette dignité chez tous ces yeux vissés à leur smartphone où autre tablettes. La lecture pure est dure possède vraiment son masque attitré.

J'aime voir les gens écrire. Là aussi, c'est une affaire intime, de la courbe fluide au bâton hésitant, de la calligraphie soignée aux pâtes de mouches assumées, la formation des lettres, des mots, la manière d'occuper l'espace qu'offre la page ma fascine est dit beaucoup sur la personne qui tient la plume.

En revanche je n'aime pas tant voir les gens dessiner. Hormis le gribouillis en marge lors d'un cours pesant où les entrelas griffonnés en accompagnement d'un coup de téléphone, voir des gens dessiner pour de vrai m'impressionne beaucoup. J'ai toujours peur de leur voler malgré moi leur technique par imprégnation involontaire.

En revanche, j'aime voir les gens cuisiner, rien à faire de tchourer des recettes... Mais dans ce domaine, j'aime observer le geste précis des gens qui maitrisent leur sujet. Bon d'accord, je n'ai pas tous les jours des chefs sous les yeux, mais il se trouve que dans ma courte vie j'ai quand même eu l'occasion de passer en coulisse plus d'une fois et d'avoir des amis cuistot, qui sortis de leur boulot prennent encore plaisir à imaginer et déguiser du quotidien.

J'aime plus que tout voir les gens parler. Je sais aussi à quel point ça peut être gênant, mais le mouvement et les torsions d'une bouche au travail me fascine. L'acte de parler lui-même est incroyable à mes yeux (et mes oreilles). Quel que soit le sujet où la personne, j'aime voir et entendre ce que les gens peuvent faire de l'acte de communication. Ça, c'est probablement une déformation qui découle de ma vraie vie, mais avant ça, je me souviens de l’intérêt que je portait à la bouche de ma mère (bonsoir Freud, ça va ?) lorsqu'elle me lisait "petit arbre". Et la recherche étrange de l'inversion labiale, quand, la tête à l'envers la mâchoire inférieur devient, le temps d'une illusion, la mâchoire supérieure en une distorsion monstrueuse (Freud, tu es toujours là ?).

Depuis quelques années, je me suis mise a observer les gens avec leurs enfants. C'est ici un sujet délicat, une intimité primaire qui en dit beaucoup sur les deux parties. Je ne peux pas dire que j'aime à tous les coups, ils sont même rares les parents qui retiennent vraiment mon attention, mais c'est un fait, j'aime observer ça.

J'aime voir les femmes prendre soin d'elles. Pénétrer l'intimité d'une salle de bain le temps d'un rituel beauté est assez fabuleux.

J'aime voir les gens travailler. Alors bien sur, mention spéciale peut être faite aux artisans qui façonnent et imaginent, aux passionnées et aux créatifs, mais même dans les bureaux, à la banque, à la caisse du supermarché, j'aime voir la gestuelle maitrisée de quelqu'un qui travail. 

J'aime voir les gens rire. J'adore assister à d’incontrôlables fous-rires qui bien souvent sont contagieux.

Au delà de tous ces détails, je crois que ce qui lie tout ça, c'est le plaisir de voir le monde qui m'entoure avec curiosité et pas mal de bienveillance je crois. J'aime moi aussi me perdre dans un livre en certains lieux d'attente, mais j'aime aussi ne rien avoir d'autre à faire que d'observer ce qui se passe autour de moi. Sans y déceler un quelconque voyeurisme, je dirais plus que c'est une façon de vivre pleinement l'instant qui s'offre à moi. Je laisse d'ailleurs volontiers mon portable dans mon sac quand je suis en public. Car si ces petites bêtes sont des ouvertures géniales sur le monde, elle sont aussi des portes qu'on ferme sans y faire attention à tout ce qui nous entoure directement. 

La liste est longue des choses que j'aime. J'aurais pu aussi vous faire un descriptif rapide de mes plaisirs estivaux en citant par exemple le doux mal de terre quand je repose les pieds sur la plage après avoir nagé 20 minutes dans le roulis des vagues. L'hilarité enfantine de saisir la vague au bon moment et de la sentir rouler sous mon ventre où celui de ma planche. Le gout du sel sur mes lèvres. Le frisson délicieux causé par la rencontre de la fraicheur du corps mouillé et de la chaleur douce du sable sous les pieds. Les kilomètres à vélo, le corps en coton après une matinée de plage avec la promesse d'un repas réparateur au bout du chemin. L’œil limpide et les crinières bouclées de mes enfants séchés par le sel, le sable et le soleil. Le picotement du sel séché dans le dos à l'heure de remettre son tee-shirt. La sensation délicate de la peau qui se détend quand on se glisse sous la douche pour se dessaler (ici on dit s'adoucer) et le glissement du sable sur les chevilles comme des chaussettes qu'on retire délicatement. Les fins de journées au manège à regarder les bateaux quitter ou rejoindre le port. L'odeur de la marée basse. Les sucreries qui trainent toujours dans les placards de mon père quand il sait que nous venons. Le ronron des soirées camping aux alentours et les souvenirs des rires avec mon frère quand nous dormions, fenêtre ouverte, dans nos lits superposés. L'odeur des marrés tout près tout près, croisement de vase, d'iode et de tamaris. Le goût de la petits sardine fraîchement pêchée, juste grillée. Le bleu des yeux de mon amoureux qui changent de teinte quand on s'approche de l'océan et l'odeur de sa barbe quand il revient, au matin , d'être allé surfer : mélange de wax, de fraîcheur et d'eau salée. la goutte d'eau qui enfin s'échappe de l'oreille qu'elle obstruait depuis des heures quand la tête se pose sur l'oreiller...

Oui, j'aurais pu dire tout ça. Juste pour partager de la douceur, beaucoup de douceur. Parce que c'est surtout ça la vie non ?



3 commentaires:

  1. Laetitia Rigaud15/08/2016 07:59

    c'est très beau. la douceur, c'est ce qui manque le plus dans ce monde de brutes.

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    1. Et pourtant nous en avons un bon peu en stock ! Merci pour votre passage ici.

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  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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