T'es fière de toi ?


  Je ne compte pas le nombre de fois où je suis passée devant ses montagnes de tronc, admirant le rendu de ces ronds massifs, entassés les uns sur les autres en une solidarité nécessaire.
Je ne compte pas non plus le nombre de fois où je me suis dit qu'il faudrait que je prenne le temps de prendre une photo et où je ne l'ai pas fait. Seulement le temps ne m'a jamais attendu et j'ai du essuyer bien des frustrations en découvrant que ces tonnes d'arbres sans vies étaient allés au-devant de leur destin post-mortem avant que je n'ai pu les immortaliser.

Puis l'autre jour, après avoir satisfait mon besoin de fraîcheur dans l'eau d'un lac voisin, j'ai arrêté mon moteur, les enfants étaient calmes, j'ai fouillé dans mon panier et pris cette fichue photo.

J'aime à croire que ces arbres n'ont pas été coupés pour rien. Qu'ils ont été sacrifiés pour laisser la place à leurs confrères et rendre ainsi leurs foret d'origine plus vivable pour tous leur congénères. J'aime à croire qu'il connaîtrons un destin digne et remarquable. J'aime l'odeur de la sève encore criante et enivrante qui accompagne cette image.

Allez savoir ce que j'ai avec les arbres en ce moment ?

J'ai pris le temps de faire cette image et aujourd'hui, elle illustre assez bien ce qui se passe au fond de moi et qui déborde de mon humeur. J'ai la sensation d'être une construction massive et solide qui, comme ce tas de tronc, a entassé des dizaines de pièces pour parvenir à un équilibre solide où rien ne chute. Oui, des pièces indispensables aux tonalités et aux nœuds différents.

Au fond de moi, je suis fière. Les épreuves du moment ne sont plus des tortures mentales indicibles. J'ai quitté la tempête qui casse les branches pour des vents qui font chanter les feuilles.

J'ai retardé beaucoup de choses dans ma vie, par peur, par manque de confiance. Et aujourd'hui, après avoir traversé des épreuves de force, j'ai découvert des limites que je ne me soupçonnais pas et qui me font me sentir, non pas plus forte, mais plus solide et plus viable. C'est drôlement kiffant de pouvoir dire haut et fort, j'ai confiance en moi, j'ai confiance en ce que je fais, ce que je construis. C'est probablement passager, mais c'est délicieux.

Je viens de clore les démarches qui me permettront de vendre très prochainement mes créations sur les marchés, dans les foires, dans les comités d'entreprise qui voudront bien de moi, dans les boutiques que mes créations séduiront. J'ai tout bien fait, stage à la chambre des métiers, banquier, assureur... Tout. Et pourtant, si vous saviez comme ces démarches ne me ressemblent pas. Tous ces gens qui parlent argent, prévisionnel, charges quand moi je parle confort de vie, amour de ce que je fais et emplois sur mesure.

Je suis fière de moi parce que pendant longtemps j'ai freiné sur la technique. En musique, en photo, en dessin. Je n'ai jamais aimé parler technique et je ne faisais appel à elle que lorsque mes lacunes me bloquaient dans l'évolution d'un projet. Et aussi par manque de confiance, par fierté mal placée. Je me croyais trop bête pour comprendre certaines choses. On cloisonne beaucoup dans nos vies. On ne peut pas être littéraire et à l'aise en math, poète et biologiste acharné. Il faut choisir, très tôt. C'est une façon de ranger les gens. C'est une façon regrettable de se fermer des portes au nez.

Alors aujourd'hui, je suis fière de moi car j'ai ré-ouvert toutes les portes que j'avais fermées par principes et je suis en train de faire le ménage dans tout ce qui se trouve derrière et qui est un peu poussiéreux. J'ai parfois quelques doutes, quelques montées d'adrénaline. Mais qu'importe. Quel que soit mon état, j'avance, des respire, je fais attention à être bienveillante avec moi-même. Arrêter de toujours s'auto-plomber les ailes et savoir se dire : bravo, beau travail, bel effort, bonne idée, vas-y, tu vas y arriver, tu en es capable, je crois en toi, tu es belle... J'y arrive sans problème avec mes enfants, pourquoi ne pas procéder de la même façon avec moi ?

Je suis fière de moi car j'ai arrêté de percevoir mon caractère comme un handicap génétique infranchissable te immuable. J'ai mis mes lunettes bienveillantes et au fil du temps j'ai défriché tout ça. Du reste, je ne suis pas si terrible qu'on a pu me le faire croire, et que j'avais fini par le penser.

Bien sur, parfois, je suis en colère. Naturellement je suis plus délicate quand je traine des mes valises de la fatigue accumulée. Évidemment je ne suis pas toujours performante dans tous les domaines qui m'importent... Et Alors ? Dois-je passer ma vie à me fustiger pour mes humeurs, mes incohérences parfois, mes impatiences ?

Je suis fière parce que je ne me brosse pas dans le sens du poil, j'ai mis le doigt en plein dedans et j'ai appuyé sur la tête de mes défauts petits et gros. Mais partant de là, j'ai décidé de les rencontrer, de les comprendre et de les apprivoiser tels qu'ils pouvaient être, poilus, biscornus, affreux, honteux, boutonneux. Même gros, même pas beaux, ils sont là, et ça c'est ma réalité. C'est important de la savoir, et d'apprendre à travailler avec et sur ça.

Oh je n'ai pas fini, il y aura des dizaines d'autre printemps, des dizaines d'autres grand ménages à effectuer, des portes à pousser, encore. Dans 10 ans, je serais peut-être très loin de toutes ses considérations, quand je vois le chemin parcouru en 3 années seulement... Mais pour l'instant, je vais laisser flotter un peu les rubans, surfer sur cette confiance toute nouvelle qui s'offre à moi et continuer à me dire que je suis fière de moi, modestement, mais surement.

C'est bon quand un travail quel qu'il soit fini par porter ses fruits. Comme un arbre planté quelques saisons plus tôt et qui, à force de bons soins, fini par offrir une récolte inespérée et délicieusement sucrée.

Promis, j'arrête avec les arbres.

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