Et vous, comment tu vas ?





C'était il y a un peu plus de dix ans maintenant. Oui, dix ans déjà.
Une semaine durant, je n'avais pu me rendre au lycée. Je me réveillait, nouée,  tiraillée par une sensation bien réelle de nausée. N'ayant aucun signe clinique caché derrière ce symptôme, j'avais utilisé la bonne vieille méthode dite du "coup de pied au cul" et avait enfourché mon scooter pour me rendre en cours. Mais rien à faire, une fois dans les couloirs sans fenêtre, sagement postée à attendre le prof au milieu du brouhaha généré par mes compère lycéens, je me retrouvait soudain en état de malaise sévère. Coup de pied au cul ou pas, j'ai dévalé les escalier et suis retourné voir mon papa. Au bout d'une semaine, l’inquiétude (et mon père) aidant, j'ai consulté mon médecin de l'époque. Il m'a écouté, calmement. Je me suis retrouvée en larme face à cet homme inconnu. Puis,  suis ressortie de là, un peu plus légère, avec pour ordre de me faire une petite cure d'Euphytose.

Bonne élève, j'ai avalé mes cachets et j'ai repris le chemin du lycée. 
C'est passé, comme c'était venu.

Après, les dates se brouillent, je n'ai rien de précis à me mettre sous la dent, mais du plus loin que je me souvienne, j'ai toujours fait en sorte de trouver la place idéale, en bout de rangée, pas trop loin de la sortie...  Au cas ou...

J'ai commencé un peu, au fil des années, à déserter les grand espaces trop pleins de monde comme les galeries marchandes. Je m'en moque, je ne suis pas une adepte du shopping. Puis les cinémas, je m'en moque... Ah mais non, je ne m'en moque pas, j'aime aller au cinéma, j'aime aller écouter des concerts, j'aime danser comme une folle au milieu de la foule, j'aime manger au restaurant avec ma famille, mes amis, mon amoureux, mes enfants, je rafolle des grandes marches en pleine nature, au milieu de nul part, ... Mais alors, il se passe quoi ? C'est quoi ces états de malaise discrets ?

Que je sois mal à l'aise au milieu d'une file d'attente passe encore, ce n'est pas l'endroit rêvé, mais pourquoi mon corps et moi ne sommes plus d'accord quand il s'agit d'avoir une vie sociale normale ?

Oui, ça c'est passé comme ça. J'ai commencé par m'assoir au bout des rangées, à mettre des petites choses rassurantes dans mes poches (et ton sac à vomis on en parle ?), à m'accrocher à mon caddie et chanter très fort dans ma voiture pour tromper l'ennemi.

Et puis c'était pas tout le temps Docteur, c'était fluctuant. Et puis résonne cette petite voix: " ne soit pas ridicule enfin, respire un coup et avance, en souriant s'il te plais, ce n'est rien, tu n'es pas faible, avance bon sang, mais avance je te dis"... 

J'ai avancé, pendant 10 ans. Ne pensez pas pour autant que ma vie est un calvaire, je suis d'un naturel assez serein et joyeux... J'ai pensé à une dépression, parce qu'au vue de ce que j'ai traversé ces trois dernières années, je me disais qu'un dépression c'était pas mal. 

Mais non, ça n'était pas ça. 

Parce que, voilà, pendant 10 ans, ça allait, peut-être un peu moins bien à certains moments, mais qu'importe, je faisais face, pour ne pas la perdre justement la face. Tous les troubles invisibles sont très connotés, on à du mal à accepter ce genre de maux dans notre société ou les maux, qu'ils soient physiques ou mentaux, éveillent la peur et le rejet.

Seulement voilà, ce que je ne soupçonnait pas c'est que ces petites bombes que je pensait déjouer à chaque attaque étaient en fait loin d'être en sommeil, et les petits comportements types que je leur fournissaient ne faisaient que les nourrir. 

Et 10 ans plus tard, soudain, parce que je suis très fatiguée, et qu'en effet, les années qui viennent de s'écouler furent porteuses d'émotions un peu trop hautes, puis trop basses, puis trop fortes, puis trop trop quoi, soudain le coeur s'affole, trop haut lui aussi, trop vite, trop mal, ça cogne, partout, j'ai peur !

Allô, le SAMU ?

Je me suis retrouvée entre deux gastro infantiles et un suicidé, sur un brancard, ECG, perfusion, prise de sang. On mesure, on test, on évalue... L'impression d'être une poche de jeans avant la lessive. 

On va vous prescrire toutes sortes de choses madame, dont du Lexomil en cas d'attaque de panique !

Il est là le gros mot. LEXOMIL. Le truc le plus loin de moi, le plus loin de mon combat. Et soudain, l’échec. Lutter, se battre, affronter, pendant 3 ans, pour finir face à un médecin urgentiste et à une ordonnance. Puis vous irez consulter un cardiologue madame, quand même, au cas ou.

Attaque de panique, c'est donc ça. Alors j'en parle, avec mon médecin traitant. Je lui en parle de cette boule au ventre quand j’entends Lexomil, je lui parle de ma frousse de prendre ses cochonneries. On en parle tant et si bien qu'on fini par trouver des solutions, autres !

Madame, vous êtes épuisés, on va commencer par vous gaver de petits soins miracles (naturels et sans dépendance, alléluia) qui vont vous aider à remettre les compteurs à niveau, et pour le reste, on vérifie le cœur (cherchez pas, il est amoché docteur, mais pas mourant) continuez votre thérapie et voyez à prendre rendez-vous avec un médecin qui pratique les TCC.

Une thérapie comportementale et cognitive, ô combien je suis tarte de ne pas y avoir pensé plus tôt. Moi la psy en devenir, mais enfin, où avais-je la tête ? 

Parce qu'on se dit que c'est rien, que ça va passer, que c'est passager, qu'on gère finalement, que c'est ridicule, que ça va passer, ça va passer, ça va passer...

De là, j'ai revu ma psy. Soyez douce avec vous madame, en règle générale quand on consulte c'est qu' UN domaine pose problème, vous, vous cumulez les grains de sables. Alors votre corps vous dit stop, d'abord en douceur. Puis quand la douceur ne suffit plus, où que vous n'avez pas eu le loisir d'entendre les alertes, cet outil merveilleux qu'est le corps se met en pause, mais sans prévenir et sans possibilité de lutter cette fois, et c'est pourquoi vous vous retrouvez terrassée par la panique pendant une heure et quart, sur votre tapis, à mille mille de toutes terres habitées, accroché à votre téléphone comme à une bouée. 

Il m'a fallu cette claque pour me dire que, non, ce n'est pas rien. Et que oui, je suis forte, mais humaine, et de ce fait, faillible comme tout un chacun. Il m'a fallu cet épisode pour prendre conscience des mécanismes mis en place pour me protéger, et me protéger surtout de moi et des pensées qui généraient ces angoisses.  Je suis le poison et l'antidote. Il m'en faut du courage pour vous parler de tout ça. Mais en parler, c'est accepter. En parler, c'est dire aussi que je suis ne suis pas la seule dans ce cas. En parler, c'est dire que finalement, il n'y à pas de honte à s'écouter et entendre que parfois, même en étant la plus meilleure des géniale, on peut se retrouver telle un chewin-gum craché sur une chaussée brûlante en plein été. Et que peut-être, tu n'es pas seul à être seul toi qui te cache derrière mes mots.

Je ne vous emporte pas des les méandres d'un mal être, je suis une personne joyeuse, travailleuse, créative, empathique, cultivé, aimante et attentionnée, rieuse, (oui, on m'a dit d'être gentille avec moi-même, j'y travail) mais ça n'empêche rien.  Donc, on ne plonge pas ensemble, je vous emmène juste sur la première marche qui mène à la guérison. On ne chope pas des troubles anxieux comme on attrape un rhume, mais ça peut arriver à tout le monde.

Même les plus beaux parapluie du monde, après trois heures d'averse, laissent passer les goutes. 







1 commentaire: