Mon présent est une série de contre-temps. Nul temps pour admirer la pousse lente de mes ongles de pieds. Impossible de fixer le plafond pour observer la lente fuite des minutes. Ne pensons même pas à se gratter le nombril en paix, non, pas le temps !
Ceci explique mes sauts de puce d'ici et là. Mon absence ici parce que trop là-bas. Je suis ballottée d'un bout à l'autre de la France, pas vraiment pour mon plus grand plaisir. Et au milieu de tous ces contre-temps qui pourraient me faire prendre les évènements à contre-pied, je m'arrange pour redoubler de joie de vivre, pour ne pas me laisser encrasser par la grincheuserie ambiante. En gros, tentons, en musique et en cadence de prendre la vie du bon côté.
J'adore avaler des kilomètres. Je suis une amoureuse de la route. Même les plus petits trajets ont quelque chose de récréatif pour moi. Mais il se trouve que mes deux dernières navigations ne se sont pas tout à fait passer comme je l'aurais espérée.
Obligée de quitter mon nid pour aller porter secours à mon ancêtre, je fais mon caprice pour emprunter la Super Voiture de Beau-Pôpa pour plus de sécurité. Surtout pour que ma vieille rougne ne me lâche pas au milieu de la France dans un nuage de fumée mystique.
Je pars donc à l'aube, bien lovée dans mes sièges en cuir de prêt ! Je passe sous un arc-en-ciel, assiste à un magnifique lever de soleil. Fait un saut dans une boulangerie, tout sourire, pour y quérir quelques viennoiseries beurrées à souhait. Mon estomac rigole, celui de mon miniature aussi. Nous voilà partis pour la grande aventure. 7 heures de route et plein d'arrêts pour boire des cafés, fumer des cigarettes, manger des frites à l'huile et faire du toboggan.
Une heure plus tard, coincée dans les embouteillages d'embauche, je pousse un peu le volume et redouble de bonne humeur. Mon miniature rigole, tout va bien. On finit par se sortir de la perturbation, péage passé, télépéage validé, turbo enclenché, c'est reparti pour la grande aventure Bis. 6 heures de route, bien lovée dans mes fauteuils en cuir...
Tiens, pourquoi la voiture s'arrête soudain? Bon et bien, bande d'arrêt d'urgence alors ! Tiens, pourquoi elle ne redémarre plus ? Bon et bien plan B. Position sécurité. Téléphone vissé à l'oreille. Assistance et compagnie. Dépanneuse et ballerine pleines de boue... Deux heures plus tard, me voilà dans une voiture de location qui sent le sapin (l'arbre magique) et qui bois de l'essence comme les vaches mangent de l'herbe.
Positive attitude. C'est parti pour la grande aventure Ter. 6 heures plus tard : J'achèterai jamais une Fiat. J'ai 90 ans dans mon corps, des valises sous les yeux et un rien de mal des transports (non mais un Fiat quoi !), je ne savais pas qu'une voiture pouvait rebondir à ce point sur une chaussée pourtant plate.
Bon y'a quand même eut un autre arrêt en urgence, parce qu'à faire ma bourgeoise et passer d'une voiture à une autre on en oublis la sécurité enfant. Et mon fils lui n'oublis pas, en revanche, l'intérêt qu'il y a à tirer sur cette petite poignée juste à sa portée. C'est drôle ça fait clic, ça allume plein de lumière et ça déclenche une alarme, le kiff !
Deux semaines plus tard, la voiture de location est repartie depuis longtemps dans son garage, je navigue avec la grosse voiture de Pôpa. Je suis une sans véhicule fixe qui. On s'apprête à faire la route en sens inverse, retour à la case départ. Départ à l'aube, halte boulangerie, et c'est parti pour la grande aventure.
La grande aventure avec un grand stressé de la route à mes côtés. Et mon miniature qui sent l'orage monter et qui grince comme jamais en voiture. Au bout d'une heure, je ne sais pas si c'est le roulis de la bagnole, le mec accroché à son siège à coté de moi qui ne dessert pas les dents, rongé par l'angoisse, ou la chocolatine un peut trop beurrée, mais c'est moi qui aie l'impression d'être beurrée. Et je sent la nausée qui monte qui monte qui monte. Je prends mon mal en patience. Pas d'échappatoire, je suis la seule conductrice possible et il reste gentiment 6 heures de route. Je finis par m'arrêter, pour vomir copieusement, balayée par des tremblements d'oisillon épileptique.
Puis on est repartis, puis bien arrivés, après 6 heures à écouter mon copilote me parler de tous les accidents qu'il a eus, vu ou dont il a entendu parler. C'est long six heures de route parfois. Je réalise à mi-parcours qu'entre ma nausée et son stress, j'ai les épaules au niveau des oreilles. Moi la (normalement) zen du cerceau, j'ai l'impression de passer un permis de 7 heures avec un hypocondriaque de la panne.
Arrivée à bon port, je me dis qu'il vaut mieux en rire. Enfin, allez dire ça à mes épaules courbaturées et à mon haleine de chocolatine parfum bile !
Et attendez, ne partez pas, ce n'est pas terminé. Une semaine plus tard, il faut bien que je rende l'expatrié à sa maison et que je ramène sa voiture par la même, étant donné que ce dernier ne peut pas conduire pendant les quelques semaines à venir.
Donc on prend les mêmes et on recommence. Je me dis que là, techniquement, panne, gerbe et autre complication, le compte est bon !
Je pars donc confiante, le passager l'est lui aussi un peu plus. Le sud ça vous change un homme ! Enfin pas pour longtemps. Tout se passe comme sur un tapis volant. J'ai juste évité la case boulangerie, allez savoir pourquoi.
Pause pipi, j'entends d'une oreille distraite qu'un gros accident s'est produit aux alentours de Bordeaux. Puis les kilomètre défilent, et tout de même, par curiosité je jette une oreille sur radio trafic. Grand bien m'en prend, ça sent le roussi à quelques kilomètres de là. Mais au lieu de faire tout bien comme dit la dame de la radio, des voix s'élèvent pour qu'on fasse une pause repas, et d'ici là, tout sera rentré dans l'ordre. Soit, loin de moi l'idée de vouloir contrarier qui que ce soit !
Pause repas donc. Retour en position route, attachez vos ceintures, éteignez vos clopes... 700 mètres plus loin, je découvre avec ironie que le bouchon de 4km en fait maintenant 7, et que sans jeux de mots, nous sommes en plein dedans. Le grand positif à mes côtés se voit déjà coincé pour les 3 jours à venir. Mon fils coince sa bulle et part en sièste. Bon petit. Et moi je savoure, là, au milieu des voitures immobiles.
Il y a une grosse différence entre les embouteillages quotidiens que souffrent beaucoup d'usagés, et ceux, totalement imprévisibles. On pense toujours un peu aux personnes qui se sont foutus en l'air je crois, et du coup, on lui en veut un peu moins de nous bloquer pendant des heures. On est soudain bien contents d'être au chaud dans notre voiture, sains et saufs. Là, en l'occurrence, il s'agit de 3 poids lourds, et 3 voitures. Pas de quoi en rire.
Alors j'observe, autour de moi, les autres. Je sais comment ça va se passer. Les moteurs vont se couper au fur et à mesure. On va tous commencer à se regarder timidement, échanger un sourire de complicité contextuelle. Et un intrépide osera le geste fou d'ouvrir sa portière, là, au beau milieu de l'autoroute. Il sortira de sa voiture, pour fumer ou marcher un peu, voire un peu plus loin, et un peu plus derrière. Un qui entrainera les autres. Et nous voilà tous en train de jaillir de nos habitacles, mais pas encore de nos anonymats respectifs. Parce qu'on est tous là, à subir le même blocage, mais on va encore attendre un peu avant de se parler autrement qu'en regard de connivence. Et en voilà un qui parle, et petit à petit tout s'anime. Et ce sont des rires qui s'échangent. Parce que au fond, on n'y peut rien. Et que les grincheux restent dans leur siège à maudire ASF.
Des milliers d'anonymes, stoppés au milieu de leur journée, tous dans leurs vies propres. Quel était le métier de mon voisin de voiture ? Sa passion ? Son hobby ? Je n'en sais rien, car on parle de l'ici et dû maintenant. Et recouvre la tartine d'humour et de rire pour faire passer tout ça. Le soleil brille, ça aurait pu être pire. Ca aurait pu être nous. Mais ça on ne le dit pas, parce que là, on positive la gêne !
Oui, ce sont des moments hors du temps. Comme les rencontres furtives qui se font lors des routes de nuit. L'ambiance particulière des stations-services, ou les sourire s'échange sur une tonalité fatiguée. Mais la nuit nous rassemble et nous protèges, on se retrouve au creux de tournées générales d'un café dégueulasse et hors de prix...
Des moments hors du temps, des souvenirs à oublis rapides... Ou non !

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