Parties de bon matin pour une descente d'un peu plus de 11km à pieds entre filles, nous avons soulevés le sujet épineux du rapport au corps, car dans le cas présent, c'était pour et par lui que nous en étions là, à dévaler la pente entre les genêts fleuris.
Et voici que reviennent ces mots : Bikini Body. Ces mots qui viennent croiser une réflexion que j'avais sur le sujet quelques jours avant cette marche.
J'ai grandi avec une mère très mince. Non, maigre ! Maigre et bandée du muscles. Une mère qui n'a jamais eu de complexes à se promener seins nus sur la plage. Une mère pour qui la nudité n'avais rien d'autre de gênant que le regard qu'on pouvait y porter. Une mère pour qui la nudité était toute naturelle.
Je réalise aujourd'hui à quel point l'exemple du corps d'un parent, dans certain cas, peut être écrasant pour un enfant. J'avais donc cet exemple qui, dans ma tête d'enfant, était probablement la perfection.
Et à l'heure où la question du corps s'est imposée à moi, j'étais au lycée, j'allais y rencontrer ma meilleur amie, passionnée de mode qui allait me faire connaître le ELLE, le VOGUE et toute ces vitrines qui affichent le corps qu'on devrait visiblement considérer comme parfait.
Il y avait donc cette mère au physique marginal idéalisée d'un coté, ce père qui au lieu de dire : "je t'aime" m'offrait des religieuses au café et des ballotins de Léonidas d'un autre, et au milieu, ce que je découvrais et interprétait à ma façon en fonction des images que mon cerveau commençait à trouver séduisantes.
Au milieu, il y avait moi. N'osant pas être féminine car dans la bouche de ma mère féminité et vulgarité étaient deux sœurs faisant garde-robe commune, ne sachant pas être moi car il en faut de la confiance pour être soi justement. Moi qui, comme toutes les femmes de la famille, à la fin de l'adolescence, ai gonflé gonflé gonflé. Il n'y a jamais eu de balance dans ma maison, j'en garde une incapacité (parfois vexante) à estimer le poids des gens. J'ai donc eu la surprise dans une maison de passage de découvrir qu'à cette période un peu ingrate je pesais presque 80kg. Pour moi ça ne voulait rien dire, mais mes jeans avaient parlés bien avant la rencontre avec cette balance. Qu'importe, une fois de plus, je ne parvenais pas à m'incarner. L'image que me renvoyaient les clichés de l'époque me surprenaient terriblement. Je me découvrait, loin de l'image mentale que j'avais de moi. Si j'ai soulevé la questions quelques fois à l'époque, mes interlocuteurs me soutenaient que "je les portaient bien" ces bourrelets, cachés par des tee-shirt trop larges, mais pas trop pour ne pas montrer que je cachait justement.
L'image mental dont je parle, c'était le corps de ma mère transposé sur le mien. Ma mère qui sous des airs de tolérance universelle me disait mine de rien : "malheur aux gros".
Bien sur je voyais déjà la tyrannie du poids et de la taille parfaite s'étendre tout autour de moi. Bien sur je trouvais déjà ridicule cette frénésie du régime pré-maillot de bain. Évidemment je touchais déjà du doigt le contrôle que la société veut avoir sur le corps de la femme (allez écouter à ce sujet une émission dont le thème ne saute pas aux yeux mais qui émet un avis très poignant sur la question, c'est ici !)
Et puis, j'ai changé d'itinéraire. J'ai commencé à prendre ma vie en main, à me poser certaines questions, et finalement, j'ai posé un premier pied sur mon chemin. Les kilos se sont envolés comme si j'avais laissé derrière moi un sac de randonné chargé d'un lest inutile. Je n'avais rien changé dans mes habitudes, si ce n'est la volonté de choisir où j'allais.
J'ai alors retrouvé un poids de croisière... Puis j'ai eu mon fils, et après lui, j'ai fondu comme neige au soleil. Je me souviens de cette vendeuse désagréable dans la boutique de laquelle j'étais à la recherche d'un jean qui ne glisserais pas sur mes hanches au rythme de mes pas. Cette vendeuse qui m'avait dit de manière cinglante : "ne vous emballez pas, ça ne vas pas durer !". Et bien si, ça a duré, je suis restée maigre, et il m'a fallu manger manger manger pour retrouver un poids confortable !
Puis j'ai eu ma fille, il y a plus d'un an. Deux grossesses plus tard, mon corps n'est plus tout à fait le même.
Voilà où j'en suis : J'ai vidé ma maison, fait le tris dans mes relations, effectué un gros ménage dans mes douloureuses névroses et traumatismes divers, et aujourd'hui, vient le moment de me pencher, au sens propre, sur moi-même et sur le corps qui me supporte à chaque seconde de chaque heure de ma vie !
J'admire des femmes au physique très différents. Certaines entrent dans les canons culturels occidentaux, d'autres explosent complètement ces frontières. Ce qu'elles ont en commun, c'est ce bien-être qui transpire et cette acceptation de ce qu'elle sont, profondément.
Au risque de me faire huer pour déballage de lieu commun je voudrais tout de même dire ceci :
Les femmes ayant NATURELLEMENT un corps semblable à ceux des mannequins qu'on expose dans la presse sont une minorité dérisoire. Et pourtant c'est ce qu'on nous propose comme modèle ultime tout en nous poussant avec douceur à aller consommer plus et plus et plus. La bouffe est devenue un doudou accessible à toute heures, les gamines de 10 ans se trouvent trop grosses, les femmes sont devenus les pire juges qui puisse exister pour leurs pairs... Finalement, on nous impose l'image d'un corps à l'image de la société dans laquelle nous évoluons. Le pire étant qu'on accepte, cautionne et perpétue ce genre d'information.
Alors si j'ai bien enregistré quelque chose c'est que je ne souhaite pour rien au monde gommer mon unicité. Pour moi, l'acceptation c'est de me dire que je suis faite ainsi, avec mon grand pif, mes petits seins et mes orteils de pianiste. J'ai le corps d'une femme ayant porté deux enfants, une femme ayant décidé de prendre soin de sa machinerie car je suis persuadée que l'équilibre de l'âme passe par le bien être du corps et inversement (on plaisante pas avec les grands principes aujourd'hui). Une femme ayant donc sous sa responsabilité deux corps miniatures qui ne manquerons pas de grandir et à qui j'aimerais donner l'exemple d'une personne qui travaille à s'aimer et s'accepter telle qu'elle a été propulsée sur terre, sans artifices et sans complexes.
Car c'est ce que je souhaite à mes enfants, au fond, tout au fond, de s'aimer comme ils sont et d'être suffisamment à l'aise avec eux-même pour laisser la place à tout le reste d'advenir. Je les trouves merveilleux, et ils le sont, car personne sur terre ne pourrait être eux.
C'est ce que je vous souhaite à vous aussi, en suivant cette mouvance qui se rebelle un peu contre cette dictature absurde du corps uniforme. Ils disent que pour un bikini body, il faut un corps, quel qu'il soit, et un bikini. Et si toutes ces histoires vous sont pénibles, ne gardez que le corps... et envoyez valser le bikini ! Le nudisme, même s'il n'est que mental, doit avoir du bon !
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Et pour les marcheurs, les 11km (environ) sont ceux qui séparent le Pic de Nore d'un petit village tout à fait charmant nommé Cabrespine ! C'est au cœur de l'Aude, et ça vaut le coup !
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