C'est la période où la vigne vierge envahis le cabanon où je fais sécher mon linge. Il dégouline alors sur les poutres porteuses, créant un rideau naturel dans lequel le soleil fait jouer ses transparences.
Et même si le temps nous fait croire à un mois de mars tardif, les couleurs elles crient au printemps bien présent.
Du reste, je crois que c'est un peu partout pareil. Je ne regarde pas la télé, je n'écoute pas la radio et je me garde bien de toute informations... Mais j'entends les gens, les murmures, les brides d'info quand je change de CD dans ma voiture. J'entends bien que le niveau de la Seine monte et que tous les autres ne cessent de baisser.
Au fond, tout au fond, je me demande comment des millions d'humains peuvent se laisser gouverner par une vingtaine de crétins incapables de s'entendre entre eux, au sens propre du terme. Je crois que les criées vendéennes de mon enfance étaient bien plus civilisées qu'un séance à l'assemblée. Ceux censés nous représentés représentent tout ce que je n'aime pas finalement.
Pas de débat politique ici, juste de l'humain. Juste ce constat aberrant : 66,03 millions de cœurs en France. 16 ministres et quelques guignoles pour contrôler et assujettir le tout. On est un peu con non ?
Je vois bien que ça gronde, je sent bien la révolte, l'envie d'autre chose, les petites levées, les grosses manifestation. Je me demande juste qu'est-ce qui nous pousse à ne pas foutre un gros coup de pied dans la fourmilière une bonne fois pour toute ? Peut-on dire ici qu'il s'agit d'une zone de confort difficile à dépasser ? Cette hypothèse ne semble pas tenir la route. Les trois quart de la populations galèrent plus où moins à avancer correctement, on mange du cancer, l'éducation de nos enfants étouffe.
Loin de tout, non loin du bruissement de la vigne vierge qui bruisse dans l'inlassable vent qui balaye ma région, je me suis amusée à penser l'effet que pourrait avoir une journée (ou plus, soyons fous) de glaçage totale. Une journée où les 66 millions d'humains que nous sommes décideraient de ne plus se faire prendre pour des demeurées lobotomisés et décideraient de ne rien faire, juste rester chez eux, préparer un bon repas, profiter de leurs enfants, de leur chat, de leur maison qu'ils passent tant de temps à payer pour ne jamais y être, du temps qu'on espère toujours trouver pour faire les choses qu'on aime...
Puis je me reprend au passage strident d'une hirondelle... Bien sur qu'il faudrait bien peu de choses pour que les choses changent ! C'est toujours le cas, ça l'a toujours été.
J'aurais pu me contenter de parler de ce printemps tardif, de cet été qui n'arrive jamais, des vignes que j'observe chaque matin et qui déploient leurs nuances de vert chaque jours un peu plus, des nuages qui semblent s'accrocher sur les montagnes qui bordent le paysage derrière chez moi, formant parfois des gerbes aussi spectaculaires que la vigne vierge sur la cabanon où j'étends mon linge.
On est facilement amnésique, et lorsque la pluie s'impose pour quelques journées humides, on oublie facilement l'impermanence des choses. Ne se laisse pas surprendre qui veut par le rayon de soleil qui, inattendu, décide en fin de journée de venir caresser l'Australie. Mais chaque slave qui me parvient de l'extérieur me conforte dans l'idée que je ne veux pas faire partie de ses 66 millions. Qu'importe que je passe alors pour une marginale, une originale, une cul-terreuse de provinciale, je n'aime pas comment la télé nous traite, je n'aime pas ce pour quoi on nous prend, je n'aime pas qu'on s'oublie au nom d'une civilisation incivilisée qui semble avoir cessée de s'écouter pour se contenter de beugler contre une vingtaine de crétins qui ont pour seul pouvoir celui qu'on leur donne.
Venez me chercher quand nous aurons décidés d’éteindre nos transistors et de regarder avec honnêteté et bienveillance ce que nous sommes devenus !
D'ici là, je continuerais d'écouter le bruissement de la vigne vierge qui habille toit et poutres du cabanon où j’étends mon linge !
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