Trois cents euros. Un trois, deux zéros, et ce petit sigle monétaire qui ne veut rien dire.
Trois
cents euros donc, c'est le prix auquel une de mes illustrations à
trouvé preneur la semaine dernière. Nous en parlions avec mon mari, lors
de notre départ en week-end. Le ciel se la jouait poisson d'avril, nous
roulions sur une nationale bien connue. Les enfants entrecoupant ou
participant de temps à autre à notre conversation. Nous parlons beaucoup
en voiture. Comme si tout pouvait être dit quand nos corps immobiles
bougent.
Il
me disait alors que 300€, c'est le prix de deux jours de travail au
noir pour lui. Je rétorquais avec humour, que ces dix dernières années,
il aurait mieux fait de ne rien déclarer, nous serions riches !
Deux
jours de travail. Il ne m'en aura pas fallu autant pour faire ce
dessin. Mais en amont, ce sont des années de gribouilles, d'essais, de
ratages, de travail qui m'auront permis de faire que ces traits sont ce
qu'ils sont aujourd'hui.
Et
puis, soyons honnêtes, je ne vends pas des tableaux tous les jours.
Loin de la même. Et heureusement. J'aurais l'impression de vendre mes
organes au marché du coin.
Parler
d'argent fait peur, surtout dans notre pays. On jalouse, on juge, on
suppose, on évalue, on spécule, mais en silence s'il vous plaît, ou
alors, dans l'intimité de nos médisances. Je n'ai pas cette absurde
réserve... Je pourrais alors parler de la difficulté à vendre ses
productions. La difficulté de "se" vendre. Fixer un chiffre sur une
émotion ?!
Trois
cents euros, c'est beaucoup. Ça fait peur et plaisir en même temps.
Puis quand on y repense, 300€ ce n'est rien, je n'ai même pas de quoi
nourrir ma famille pendant un mois avec cette somme.
Mais
là où le prix prend toute son importance, c'est quand je réalise qu'il
s'applique à financer une des choses que je préfère faire dans ma vie.
Ça
vient croiser une réflexion qui grandit en moi. La plupart des gens que
j'aime avoir dans mon salon, font des jobs pour lequel ils aiment se
lever le matin. Et je suis désolée, mais ça se voit... Parce que ce n'est pas le lundi matin qui pose problème,
c'est le travail qui l'occupe. Ce n'est pas votre réveil qui est
pénible, c'est la raison qui le pousse à sonner.
Et
si on regarde bien (au risque d'enfoncer des portes ouvertes) le
travail comme on le pratique est une notion absurde. On est aliénés par
quelque chose qu'on nous décrit comme essentiel et qu'au final, nous
devrions faire passer avant nous, humains que nous sommes. Mais ne
pleurez pas, il reste, si vous êtes chanceux, deux jours de récréation
durant lesquels vous pouvez vivre vrai, vivre comme vous le souhaitez.
Deux jours en forme d'oasis. Prendre du temps pour soi est alors un
luxe.
Dites
? On ne marcherait pas sur la tête. Et pourtant, combien d'entre nous
ont un job purement alimentaire ? Combien de nous n'ont même pas le
choix ? Et combien ne se posent pas la question ? Alors voilà, 300€ pour
quelques traits, mais la liberté immense d'avoir choisi MON travail et
la façon dont je veux le faire. La volonté profonde d'utiliser mes
points forts pour satisfaire le besoin sociétal de gagner de l'argent
pour payer ce que je mange et l'eau que je bois (besoins vitaux et
pourtant payants... On parlait d'absurde quelque part non ?).
J'ai
l'impression que les choses bougent, un peu, sous la surface. Que les
gens lâchent peu à peu du lest quant à l'envie de bouffer l'économie et
prennent le temps de gagner moins mais mieux. De vivre avec et par
passion. Et même si la plupart sont encore considérés comme des
marginaux ou des moutons à 5 pattes, qu'importe !!! Cinq n'est rien
qu'un nombre. L'important c'est ce qu'il y à plus loin.
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