Les bouches putes.




J'ai grandi, bercée de reflexion sur le langage, de pistes données ou imposées pour moduler la langue dans un sens favorable aux oreilles parentales. 

J'ai grandi et j'ai fini par me faire ma propre soupe concernant ce bel outil. 

Puis, je me suis mise à songer au silence !

Il y a les choses dites par automatisme, par politesse, il y a les tics langagiers, il y a les choses à ne pas dire et celles à ne pas répéter. Il y a les secrets, les non-dits, les gros mots, les mots doux, les bons mots, les mots qui partent tout seuls, les mots dits à demi-mot, les mots d'ordres, les mots qu'on dit puis qu'on regrette, les choses qu'on dit "comme ça", il y a un mot pour tout...

... Et des silences qui en disent long !

Je lisais il y a peu, sur la page d'une personne dont j'aime le travail, qu'elle s'était soumise à un stage axé sur la méditation si je ne me trompe pas. Et au sein de se stage, une journée de silence complet était proposé/suggéré. Le résumé des sensations que lui a procuré cette expérience est très touchant et me frappe de plein fouet dans une période où j'aimerais que tout se taise autour de moi.

Soyons honnêtes, on bouffe du verbe au même entonnoir que des oies gavées. Le bruit est partout, la parole incessante... Epoque bruyante de la communication sans fin(s) !

J'ai un rapport heureux au silence et parfois, l'usage des mots me fatigue. Dans des situations ordinaires, on perd finalement beaucoup d'énergie à construire du langage à des fins peu constructives.

J'ai de plus en plus en horreur cette tradition qui ordonne une bise ou un serrage de main assortie d'un "ça va ?". Combien de nous écoutent véritablement la réponse, combien de nous disent, à ce moment précis, la vérité crue de leur humeur ?

Pour ne pas offenser la politesse, j'ai trouvé ma parade, et ne saute plus sauvagement sur le "oui, ça va, et toi ?" mais lui préfère un "oui, merci". A quoi bon faire plus quand la plupart des personnes sont déjà engagées physiquement vers autre chose au moment de votre réponse ?
Ce n'est donc pas de l'égoïsme mais de l'économie. 

Et alors, je me suis demandée quel effet cela pourrait produire chez moi et sur mes relations sociales si je ne me prenais à répondre qu'aux choses nécessitant vraiment une réponse où éveillant réellement un intérêt pour la conversation. Parce que, bien souvent aussi, la conversation me semble sans grand intérêt, et pas seulement pour moi. Mais par convenance, j'y apporte ma virgule, ma relance...

Parce qu'elles sont rares les personnes avec qui le silence est agréable à partagé. Et il n'est pas aisé de laisser quelqu'un dans l'embarras d'un silence auquel elle ne s'attendais surement pas en lançant le sujet sur la météo ou une quelconque actualité jugée croustillante !

Mais si j'arrêtais, avec délicatesse, de parler pour ne rien dire..? 

J'ai l'impression que cette démarche me mènerais vers une économie terrible qui me permettrais alors de gouter l'importance des mots qu'on utilise et avec qui on les utilise. Je ne signe pas pour un voeux de silence, mais je me demande s'il ne serait pas sain d'arrêter d'user des forces au sein de rapports stériles.
Est-ce une sensation qui resulte de cette lubie de, soudain, se recentrer sur l'essentiel ?

Je n'ai jamais été très expansive avec les gens qui sortent de mon cercle intime. Je préfère aux mots l'observation silencieuse. Attention, je peux entrer en conversation avec un inconnu si le sujet est porteur, je ne suis pas expansive, mais pas hermétique pour autant. Et dans le lieu où je vis, je sais à quel point il est important de peser ses mots et de les choisir, car ils seront repris, de bouche en bouche, de langue en langue, d'interprétation en curiosité. Et un jour ou l'autre, on me prêtera des mots qui ne m'ont jamais appartenus. 

J'accorde du poids aux mots. La parole qu'on donne à quelqu'un ou pour quelque chose n'est pas une donnée obsolète pour moi. Je sais que les gens de parole se font rares. Mais si je viens à faillir à ma parole, je traine alors un sentiment peu confortable de culpabilité ou quelque chose avoisinant. Et finalement, autour de moi, je découvre à quel point la parole a perdu de son poids. On promet à tour de bras, on s'engage pour ne rien en faire, on jure et on rompt ce serment dans les minutes qui suivent... 

Cette envie de silence me vient aussi parce que le silence est une arme contre les attaques inutiles, les comportements stupides qu'un seul mot en reponse viendrait légitimer.

Parce qu'aux mots bas qui créent des maux, je préfère, au bas mot, le silence comme mot d'ordre ! 






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