Il faut rugir pour être belle !


Peut on tout transformer en joie ? Peut on être vraiment indécrottable quand il s'agit d'être pacifiste ? 
Je reste toujours un peu sur mes gardes avec les gens qui affichent un bonheur sans limite. J'ai toujours la sensation de me retrouver face à une scène de théâtre qu'on voudrait étendre à l'échelle de la réalité. Car non, je ne suis pas bonne spectatrice quand il s'agit de cette fameuse comédie du bonheur.

Peut être que je ne suis simplement pas dupe. Peut être aussi que ça ne fait pas partie de ma façon de vivre et percevoir les choses, et dans ce cas là, me voilà bien obtuse. Ou alors contaminé par des dictons aussi mémorables que "il faut souffrir pour être belle", ou encore "on a rien sans rien", " la calme après la tempête" et j'en passe. 

Comme si la pluie ne pouvait fonctionner sans le beau temps, et inversement. 

Je ne pourrais pas parler autrement qu'en mon nom. Et pour moi les périodes de souffrance sont aussi porteuses. Les périodes de joie intense qu'elles jalonnent leur donne encore plus d'importance. Finalement, on n'apprend pas à marcher sans chuter au moins une fois ?!

Du coup, je trouve ça franchement louche les gens qui affichent un calme plat, tourné vers une euphorie joyeuse, et ceux, sans discontinuer. Comment font ces gens pour apprendre ? Pour grandir ? Comment peuvent-ils savourer le bonheur s'il n'ont jamais goûté à un opposé plus ou moins dévastateur ? 

Dois-je confesser que mes périodes douloureuses signent les plus belles de mes créations ?

Il en va de même pour les gens au clame serein inébranlable. Y'a anguille sous roche, à n'en pas douter. 

Attention, je ne déteste pas les gens heureux, j'aurais même l'audace d'avouer que je fait un peu parti de leur secte. 

A l'opposé, j'ai beaucoup de mal avec les gens constamment malheureux. Vient un moment où j'estime qu'un état de malheur constant, s'il n'est pas pathologique, est juste un manque de volonté, un aveuglement volontaire, une complaisance assez mal sentie. 

Toute cette mise en bouche pour en venir en douceur à parler de la colère.

Certain aiment à s'en nourrir, d'autre même la nourrissent avec amour, dans un état de quasi-jouissance. Dans mon expérience, la colère est tout sauf un moteur. Bien que nécessaire, elle reste un poison violent capable de déstructurer mon bon sens et mon sang froid en cas d'absence de réaction. 

Mais comme je le disait, la colère est dans un sens restreint, un moteur de mes apprentissage. 

Il m'est arrivée (et m'arrive encore parfois... je ne suis pas parfaite) d'entretenir de la colère envers des personnes. Les raisons me sont aujourd'hui lointaines, mais je garde un souvenir amer de ces périodes. Non pas par rapport aux personnes, mais par rapport à moi. J'ai fini par comprendre que la colère, en générale, n'est pas dirigée vers l'autre. Elle vient dire quelque chose de nous même. Aujourd'hui, je ne suis plus en colère contre des tiers, mais contre moi. Contre ce qui ME met dans cet état. Et si je m'égare à nommer un responsable, j'en reviens bien vite à penser que ce n'est pas lui, mais plus l'attitude qu'il provoque chez moi par exemple, ou le sentiment.

C'est pourquoi je dis que la colère est un moteur d'apprentissage. Quand elle se présente à moi, j'ai d'emblée le choix de la faire taire, et hop, je suis malade dans les jours qui suivent, ne parlons même pas du sentiment de nullité qui suit les microbes et le petit coup de canif dans l'estime de soi. 
J'ai aussi le choix, que je considère comme intelligent, de l'accueillir cette vilaine. La laisser grimper, faire sa petite vie dans le contexte de mon moral et la laisser pénétrer les couches pour atteindre mon objectivité. C'est un processus plus lent et plus couteux que le refoulement. Mais il s'agit de savoir trouver des palliatifs tout personnels dans ce genre de situation. Les musiciens se défoulent sur leur instrument, les gribouillards cassent leur mine, les sportifs donnent tout ce qu'ils ont... Bref, j'ai mes petits secrets pour faire sortir le gros, la partie nocive. Pour le reste... Reste le temps, qui aide à comprendre, à accepter, à accommoder son regard sur soi. 

Pour tout vous dire, je viens de traverser deux années parsemées d'une colère réglée comme un diapason, une colère récurrente. J'ai tue, beaucoup, j'ai étouffé pas mal, j'ai repoussé le plus possible. Jusqu'à l'évidence banale : vivre dans la colère c'est aussi vivre dans le mensonge. Ce qui revient à vivre loin de soi. 

Et vivre loin de soi est un exercice à haut risque. Etre soi aussi, peut être encore plus risqué, encore moins évident... Mais je suis sure, persuadée, convaincue, qu'il faut souffrir pour être belle, intérieurement parlant.

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