La lenteur du trait.


 J'ai toujours pris le temps de dessiner. Puis j'ai toujours scrupuleusement sélectionné ce que je voulais bien montrer et ce qui reste terré dans des carnets.
Je veux dire par là que dans mon apprentissage du dessin je n'ai jamais été une grosse pratiquante du croquis rapide qu'on jette sur le papier en quelques minutes, retenant son souffle pour que le sujet ne bouge pas avant la fin du trait !

Je manquais de confiance.

Avec le temps, j'ai compris que les dessins que je chérissais le plus dans ma production n'était pas forcement ceux que choisissait d’apprécier le public. Alors j'ai commencé à montrer un peu plus. Puis finalement, tout balancer, sans retenue, et oser dire avec humour et bienveillance : "celui-là, j'ai bien du mal à l'encadrer". 

J'ai confiance aujourd'hui. 

Pas complètement, mais je ne débat plus avec une légitimité potentielle qui ne m'avancerais pas plus. Car au fond ce n'est qu'une idée basée sur des suppositions vagues et fluctuante. Reste à faire ce qu'on aime.

J'aurais pu prendre des photos. Mais j'avais envie de la lenteur du trait. De ce moment passé, en plus, avec les personnes que j'ai dessiné. 

Encore un peu hanté par une certaine timidité, j'ai pris des photos c'est vrai, pour m'en servir de modèle. Mais, il n’empêche... J'avais envie de cette lenteur, de cette image unique, de trouver des traits simples pour pencher sur le papier une ressemblance avec le sentiment que m'avait laissé le moment et la présence. La course à la ressemblance est parfois un cuisant échec. Qu'importe, on bégaye tous de temps en temps.

Je me suis ainsi mise à dessiner les gens qui croisent mon chemin depuis quelques mois. C'est devenu un exercice quasi-méditatif que j'affectionne énormément. 

Je manquais de confiance, mais peu à peu, je me détache de la photo de départ pour privilégier le modèle que j'ai sous les yeux. Ou alors, je m'oblige à croquer dans l'instant où la photo a été prise, au risque donc de voir d'autres yeux que les miens trainer sur mes hésitations graphiques.

J'ai aussi des portrait naïfs dans ma photothèque qui attendent de se voir coucher sur le papier. 

Importe ici mon seul plaisir. 

Ces portraits sont impropres à toute consommation. Ils demeurent coincés dans le carnet qui me suit partout, affichant en transparence mes états d'âme en minuscule. Ils ne valent rien, ou n'ont pas de prix.

C'est encore une façon de lever le pied, de prendre le temps et de détailler les humains qui m'entourent. Freiner, avec plaisir, et s'adonner à la lenteur du trait ! 











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