T'as un grain mon pauvre !


Il a émis un bruit étrange. Le bruit du mécanisme usé qui se met en grève sans aucun préavis. Ne tenant pas vraiment compte du décalage entre son âge et ma fougue, je l'ai éteint avec précipitation, remis en route. Plusieurs fois. Pour avoir toujours ce même son, assez années 80, de la machine qui démarre, mais cale aussitôt.
Un peu robotique cette façon de penser qu'en redémarrant les choses, tout les problèmes se règlent. Il m'a fait la grâce de quelques images supplémentaires, et puis plus rien. C'était son dernier job. Ses derniers déclenchements.

Dans son ventre, il portait un film enclenché depuis quelques mois, laissé de coté au profit d'un autre, plus prestigieux, surement !
Lui, je le glissait dans n'importe quel sac, sans égards pour ses courbes plastiques. Il me suivait n'importe où. La plage et ses milliards de grains de sables menaçant ne lui faisait pas peur.

Je l'avais trouvé sur le bon coin, 5 euros, port compris. Vous voyez le genre !

Sur son boitier, les traces d'autocollants apposés un jour d'inspiration, poncés par le temps pour ne laisser qu'une forme nette engluée de poussières en tout genre. Un sticker avait survécu, celui d'une marque amie passée d'âge elle aussi, depuis belle lurette.

Je l'ai apporté sans grande cérémonie chez un manipulateur de souvenirs. Il fallait bien que je lui retire de force le film qu'il avait décidé de garder prisonnier. Impossible de lui laisser les images de mes derniers moi. Mon petit laborantin à fait son affaire en quelques minutes, forçant en aveugle sur un mécanisme rétif. Une sorte de théatre de marionnette sans images. Une mini chambre noir ou ses deux mains gigotaient avec délicatesse pourtant, pour ne pas briser mes émotions en négatif.

C'était son dernier job, et voilà ce qu'il en est ressorti. En découvrant ses images, je vois à quel point il s'est usé le déclencheur pour me sortir des images. Mais, force est de constater qu'il était au bout du rouleau. Incapable de trouver la lumière que je lui fournissait pourtant. L'objectif résolument sali par les mauvais traitements que je lui ai fait subir. Et parfois, allez savoir pourquoi, il m'a pondu du rose là où je ne pensais qu'en noir et blanc.

Je l'ai mis à la poubelle. Sans émotions. J'en ai d'autres comme lui, enfin, dans son genre. Le genre à 5 euros sur le bon coin, frais de port compris. Le genre que les enfants des années 80 emportaient pendant leur colonie de vacances loin de papa et maman, le clapet plein d'une pelloche Kodak 400 asa et qui aujourd'hui se marchande à 5 balles et portent dans leurs housse une odeur de grenier.

















t





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire